La présence humaine sur les rives de l’étang a débuté avec l’amélioration des conditions climatiques au paléolithique et c’est au cours du néolithique que les populations se sédentarisent.
Il est intéressant de noter que la formation de l’étang de Berre il y a environ 10 000 ans lors de la dernière transgression marine est concomitante de l’installation des premières sociétés humaines autour du bassin méditerranéen. Des groupes humains se sont sédentarisés sur les rives de l’étang, profitant ainsi des ressources apportées par cet environnement avec un milieu marin accessible et bien abrité et des terres propices au développement de l’agriculture et de l’élevage. Puis, tout au long de l’histoire, en même temps que l’organisation sociale et économique évoluait, elle interagissait avec des écosystèmes eux-mêmes changeants. La principale caractéristique de la trajectoire de l’étang de Berre est donc qu’elle est intimement liée à l’action de l’homme, dès son commencement.
Le territoire
Le commerce du sel
Epoque romaine (Caïus Marius) : gestion politique et agricole de l’espace, creusement de l’étang marécageux de Caronte pour la navigation. Augmentation de la salinité (ramassage des huîtres). Les romains développent les salins, le sel étant très recherché pour la conservation des aliments et en particulier des poissons. Le commerce du sel récolté sur les rives de l’étang perdurera tout au long de l’histoire.
Une économie d'autosubsistance
Tout le territoire de l’étang développe également une activité agricole importante (céréales dans les plaines, oléiculture au pied des reliefs, commerce du vin à partir du XVIe siècle, maraîchage sur les zones humides drainées, etc.). L’économie rurale est avant tout une économie d’autosubsistance, la pêche prenant le relais de l’agriculture dans les zones littorales. La richesse des ressources naturelles de l’étang ainsi que sa situation privilégiée sur les routes commerciales en fait un lieu de négoce important. L’artisanat y est peu développé.
La Poudrerie Royale
La Poudrerie Royale s’installe à Saint-Chamas jusqu’à 1974. Depuis, la nature a repris ses droits dans le parc qui est devenu un espace de biodiversité et de promenade.
Les prémices du commerce et de l’industrie
Il ne s’agit pas encore d’une mutation profonde de la société rurale mais de la mise en place d’activités complémentaires issues de la transformation des matières premières produites sur place. Au début du XIX, l’industrie chimique basée sur la transformation du sel se développe autour de l’étang, domaine du sel depuis la plus haute antiquité, pour répondre aux besoins des savonneries de Marseille
Première usine de soude
Installation de la 1ère usine de soude du département sur les Salins du Lion (en activité jusqu’en 1966 par la Compagnie des Salins du Midi).
Usine de Berre l'Etang
Usine de la Pointe de Berre l’Etang construite par la Compagnie des produits chimiques du midi et exploitée jusqu’en 1894 ; rachetée par Saint-Gobain.
7 usines autour de l'étang
1 usine aux Salins du Lion, 3 aux Salins de Berre, 2 aux Salins de Rassuen (jusqu’en 1955) et 1 aux Salins de Plan d’Aren.
Un étang à forte vocation économique
L’exploitation des ressources marines est très largement développée dans les étangs de Berre et de Bolmon ainsi que dans les bourdigues. La pêche, très active mobilise 250 pêcheurs exclusifs des étangs (pour 500 patrons pêcheurs inscrits à la Prud’homie de Martigues) et vise les espèces typiques des lagunes saumâtres : muges, loups, daurades, anguilles, sars, anchois, sardines, soles, athérines. Dans l’étang de Bolmon, l’augmentation de la salinité, liée au creusement du chenal de Caronte, a entraîné la disparition des poissons d’eau douce, en particulier les carpes, qui étaient une source sérieuse de revenus pour les pêcheurs en hiver. Sont également largement exploitées les moules, les palourdes, les clovisses, les tellines (dans le Bolmon), les crevettes, les crabes. L’huître est bien présente mais n’est apparemment exploitée que de façon anecdotique. On notera que l’exploitation des moulières naturelles de l’étang de Berre mobilise en permanence une soixantaine de bateaux. L’estimation des prises annuelles donne 400 tonnes de poissons, 700 tonnes de moules, 10 tonnes de clovisses et 15 tonnes de crabes. Des essais de mytiliculture dans l’étang de Berre ont été conduits entre 1850 et 1867 avec succès, mais n’ont pas donné de suite.
Dans la continuité de la révolution industrielle, la société héritée du moyen âge est remise en cause. C’est à la fin du XIXe siècle que l’étang de Berre est perçu comme un territoire à conquérir, destiné à devenir une des pièces maîtresse d’un futur ensemble industriel phocéen, d’envergure internationale. Il en émergera la réalisation de grandes infrastructures de transport, y compris maritimes et fluviales : aménagement et approfondissement de la passe de Caronte en 1863 à – 3 m, puis en 1925 à – 9 m et réalisation du canal de Marseille au Rhône et du tunnel du Rove. Le monde rural est touché de plein fouet par les crises. L’agriculture devient maraîchère et voient sa superficie diminuer, au profit de la ville et des terres incultes. L’industrie de la soude, isolée et fragile disparaît tandis que des grands travaux d’aménagement des voies navigables sont réalisés. A la veille de l’ère pétrolière de Berre, Port-de-Bouc est la préfiguration de l’évolution de toute la région de l’étang de Berre : un site dédié à l’industrie chimique accueillant des villes nouvelles, dotées de formidables structures portuaires et ferroviaires, le reliant à Marseille. Le passage d’une civilisation rurale millénaire à un civilisation urbaine et industrielle, est marqué par l’éclatement de la cellule villageoise, en laissant de côté les plus démunis, l’exode rural vers les premières concentrations industrielles, le désenclavement des campagnes et la spécialisation des cultures ; la pénétration des usages citadins qui ébranlent les valeurs traditionnelles des villages.
Une forte identité culturelle
L’étang appartient à un pays dominé par une économie rurale, caractérisée par de petites exploitations endogènes d’autosubsistance que côtoient de grandes exploitations bastidaires tournées vers une économie d’exportation et contrôlées par les villes de Marseille, Aix-en-Provence et Arles. Ce n’est que dans les zones les plus littorales que la pêche, le commerce maritime et le sel prennent le relais de l’agriculture. La présence de bourdigues permet de piéger de grandes quantités de poissons empruntant les passages entre les masses d’eau. Une pêche traditionnelle est également pratiquée dans l’étang. La présence de vastes herbiers de zostères et l’échouage de leurs feuilles sur le littoral, a permis le développement d’une industrie du varech significative : 13 exploitants au début du XXe siècle : ramassage des débris de zostères pour emballage et literie (pour l’exportation vers Paris et Gênes). Ces activités participent à une forte identité culturelle et à la cohésion sociale au sein des villages. Une première phase d’industrialisation commence à l’ouest, avec la production de soude pour la savonnerie provençale, qui prend le relais de la saunerie alimentaire. L’industrie chimique basée sur la transformation du sel, se développe autour de l’étang, domaine du sel depuis la plus haute antiquité, pour répondre aux besoins des savonneries de Marseille. Le procédé de fabrication Leblanc nécessite l’utilisation de sel et permet la fin des importations de soude végétales venues d’Espagne. Les fabriques vont donc s’installer soit à proximité des salins (cas de l’étang de Berre), soit à proximité des clients (savonneries de Marseille). Les Salins du Lion sont abandonnés en 1966 en raison de la baisse de salinité, suite à l’ouverture de la centrale EDF de Saint-Chamas. Les tables salantes de Berre sont converties pour le traitement des saumures extraites à Manosque. L’activité de pêche est importante, avec les ports de Saint-Chamas, Rognac, Marignane et Berre et surtout Martigues qui a connu un essor considérable de part sa position géographique stratégique.
Industrialisation
Port de Bouc est devenu un port industriel. La région de l’étang, en commençant par Caronte, devient un faubourg industrialo-portuaire de Marseille. La loi de 1919 qui ouvre à la navigation le chenal de Caronte désigne Port de Bouc, Caronte et l’étang de Berre comme annexes du port de Marseille. Installation de l’industrie du raffinage et de celle de l’aéronautique qui n’ont rien à voir avec les industries traditionnelles de l’étang. Les établissements qui s’installent sont d’envergure nationale voire internationale. Ces industries transforment complètement le paysage des rives de l’étang de Berre en se superposant au territoire rural. L’étang de Berre est idéal pour l’aéronautique : le climat caractérisé par la rareté des précipitations, la visibilité exceptionnelle, la disposition de vastes terrains plats et un plan d’eau calme. En 1920, la Marine achète et fait niveler des terrains agricoles entre l’étang de Bolmon et les Salins du Lion. Construction des premiers bâtiments. La Marine cède les terrains à la Direction de l’aéronautique civile du ministère de l’Air et fait l’acquisition de terrains à Berre l’Etang où elle implante une base d’hydravions. Parallèlement, l’armée de terre possède depuis 1917 une base à Istres le Tubé réputé pour sa qualité atmosphérique et l’éloignement de cette zone de toute zone habitée.
Industrie pétrochimique
Dans les années 1930, l’essor des industries de raffinage inclut l’étang de Berre dans une logique productiviste nationale (installation de la première raffinerie en 1929, Shell à Berre l’Etang). Cette tendance ira en s’accélérant tout au long des décennies à venir. La navigation maritime et fluviale se développe suite à l’approfondissement du canal de Caronte et à la création du canal de Marseille au Rhône avec le creusement du tunnel du Rhône.
Industrie aéronautique
Début de l’industrie aéronautique. La gestion de l’aéronautique est confiée à la Chambre de Commerce et de l’Industrie, qui hérite du site de Marignane.
Cités ouvrières
L’implantation des grandes raffineries entraînent la construction de cités ouvrières (Berre l’Etang, la Mède et Lavéra).
Raffinerie de la Mède
la Compagnie française de pétrole s’installe à la Mède.
Porte pétrolière de France
Nationalisation de l’aéronautique française.
la CCI décide la création d’un nouveau port à Lavéra, que l’Etat accepte en 1949. L’étang trouve alors sa vocation industrielle : porte pétrolière de France.
Aéroport de Marignane
Reconstruction de l’aéroport de Marignane
Ere du tourisme et urbanisation
Marignane connaît un réveil lié à la mutation du pôle aéronautique. La demande en matière de logements croît et augmente encore avec l’émigration de la population française des colonies du Magreb. Fin des années 50, création de 3 ZUP. Martigues, avec la croissance du pôle de Lavéra, construit de nombreux logements. Au niveau culturel, l’ère du tourisme commence : la côté méditerranéenne attire été après été, un nombre croissant de touristes du nord de la France.
Aéroport international
Réalisation d’un aéroport d’envergure internationale, inauguré en 1961, symbole de modernité. L’aéroport de Marignane devient l’aéroport de Marseille.
Interdiction de la pêche
Loi interdisant la pêche, en raison de l’accumulation de pollution chimique dans la chair des poissons.
Gigantisme industriel sur Fos/mer
Les infrastructures de l’étang de berre deviennent obsolètes face au gigantisme toujours plus prononcé du trafic pétrolier et c’est le golfe de Fos qui devient le site à développer (1965).
Naissance d'Eurocopter
L’Etat concentre à Marignane la fabrication d’hélicoptère jusqu’à donner naissance à Eurocopter dans les années 90 devenu aujourd’hui Airbushelicopters.
Les Estroublancs
Création de la 1ère zone industrielle de France au bord de la nouvelle autoroute Paris-Marseille à Vitrolles par la CCI : les Estroublancs
Un milieu récepteur
Les usages liés aux étangs restent très largement dominés par l’exploitation des ressources marines (poissons et coquillages) et du sel.
Les droits de pêche ont été rachetés en 1957, cette activité est théoriquement arrêtée dans l’étang de Berre, en raison de la contamination chimique de l’eau et des sédiments. Pour autant cette activité n’a pas cessée et une trentaine de pêcheurs professionnels continuent d’exploiter les poissons de l’étang, l’essentiel du chiffre d’affaire s’appuyant sur l’anguille. Le ramassage des coquillages est interdit pour les mêmes raisons sanitaires et cette activité est réellement interrompue en l’absence de peuplements exploitables (disparition des coquillages commercialisables comme les clovisses, les palourdes et les tellines).
La mutation du territoire est achevée, avec une forte déprise agricole en particulier dans la partie Sud-est de l’étang, activité à laquelle se substituent une intense activité industrielle et commerciale et une forte urbanisation. Les services rendus par l’étang de Berre ont été totalement bouleversés, celui-ci passant d’un site de production de ressources marines à un milieu récepteur des eaux usées urbaines et industrielles.
Villes nouvelles
L’Etat décide de créer l’Epareb chargé de la réalisation des villes nouvelles sur le pôle Istres, Miramas et celui de Vitrolles.
Pêche ré-autorisée
Les droits de pêche sont rétablis (loi 94-114 du 10 janvier 1994), suite à la limitation des rejets de la centrale EDF et à la réduction des apports polluants d’origine industrielle.
Un virage culturel se forme avec la prise de conscience des impacts environnementaux (implication des populations locales avec le référendum d’initiative locale en 1991 ; mise en place de stations d’épuration, plan Barnier avec limitations des rejets EDF et nouvelles limitations en 2006 imposées par l’Europe.
Au niveau économique, l’industrie lourde se restructure fortement à travers une externalisation croissante.
Fin des raffineries
L’industrie a perdu du terrain mais a été relayée par le tertiaire qui s’est fortement développé : services aux entreprises, services à la personne, embryon de tourisme avec l’aménagement de plages sur l’étang.
L’appareil productif résiste tout de même mieux qu’ailleurs grâce à son positionnement sur des secteurs de pointe tel que l’aéronautique. Mais les deux raffineries présentes sur l’étang de Berre ont pour l’une mis fin à son activité et pour l’autre dans l’attente d’une reconversion en bioraffinerie.
La croissance démographique, forte depuis 1962, s’essouffle aujourd’hui.