Evolution écologique

La restauration écologique est le procédé par lequel on accompagne le rétablissement d'un écosystème qui a été dégradé, endommagé ou détruit. Elle tend vers le retour de l'écosystème à sa trajectoire historique. En effet, il s'agit d'accélérer le rétablissement d'un écosystème antérieur. Cela nécessite une bonne connaissance de l'écologie fonctionnelle et évolutive des écosystèmes ciblés, de l'histoire de la dégradation anthropique et, enfin, le choix d'un écosystème de référence pour guider la planification, la réalisation, le suivi et l'évaluation du projet de restauration. Croire qu'un écosystème peut revenir à un stade préalable ou idéalisé, une représentation fidèle d'un état antérieur (comme si le temps était réversible) est utopique et contre-productif. Le fait que les hommes aient exploité et abusé de leur environnement naturel a amplifié et dévié les trajectoires des écosystèmes. La plupart du temps, les écosystèmes ne peuvent se rétablir spontanément et nécessitent une restauration écologique intensive. En d'autres termes, ils ont franchi un, voire plusieurs seuils d'irréversibilité.

Trajectoire historique

avant J.C 120
1800
1850 1900
1925 1965
1970 1980
1990 2000
2006
2009 2017
2017
120

Des étangs saumâtres

Les étangs de Berre et de Bolmon étaient saumâtres, avec une salinité certainement plus élevée dans l’étang de Berre

1800

L’eau de l’étang de Berre est saumâtre et quasiment douce dans l’étang de Bolmon.

1900

Un étang marin

La salinité de l’étang de Berre est relativement constante, comprise entre 20 et 30. La salinité de l’étang de Bolmon a augmenté de façon concomitante à celle de l’étang de Berre avec l’approfondissement du chenal de Caronte ; elle est globalement comprise entre 10 et 20 selon un gradient est-ouest et connaît de forte variations saisonnières en lien avec les apports du bassin versant (de dessalures complètes lors des crues du Vallat à plus de 20 en été). Les biocénoses de l’étang de Berre sont typiques d’un milieu SVMC, sous influence marine, avec une végétation variée, très similaire de celle présente en milieu côtier, accompagnée de vastes zones d’herbiers de phanérogames (principalement Zostera noltii et Z. marina) à affinité plutôt marine. La végétation de l’étang de Bolmon est constituée d’espèces typiques des milieux lagunaires saumâtres (Phragmites, Characées, Ruppia) qui accompagne une biocénose de type LEE.

1965

Un étang équilibré

La salinité de l’étang de Berre s’est significativement accrue et reste globalement homogène comprise entre 24 et 32, avec des valeurs maximales à 36. La salinité de l’étang de Bolmon témoigne de l’influence des eaux de Berre et du canal du Rove, elle est comprise entre 8 et 35 selon les zones de l’étang et la saison. La majeure partie des fonds de l’étang de Berre est constituée de la même biocénose SVMC florissante (jusqu’à 101 espèces de la macrofaune benthique recensées), avec d’importantes zones de moulières et des herbiers de Zostères dont la surface est estimée à 6 000 ha. Dans l’étang de Bolmon, la biocénose LEE est florissante, les herbiers de Ruppia se sont largement développés et occupent la plus grande partie des fonds de l’étang. Dans le tunnel du Rove, on assiste à la colonisation de nombreuses espèces en abondance, à la fois par le golfe de l’Estaque (espèces franchement marines) et par l’étang de Berre (espèces plus euryhalines). Dans les petits fonds (darses, bassin de la Mède) on trouve également trace d’herbiers de Zostères qui accompagnent une biocénose riche dans les substrats meubles. Le stock ichtyologique est abondant et se compose d’espèces typiques des milieux lagunaires accompagnées d’espèce à affinité marine. Cependant, en raison de la pollution chimique croissante, la contamination de la matière vivante entraîne en 1957 l’arrêt de la pêche professionnelle.

1980

Effondrement du tunnel du Rove et mise en service de la centrale EDF

Deux événements vont sinistrer les écosystèmes aquatiques, qui commencent à être lourdement affectés par les pollutions urbaines, industrielles et agricoles : l’effondrement du tunnel du Rove en 1963, et la mise en service de la centrale hydro-électrique de Saint-Chamas en 1966.  La salinité dans l’étang de Berre chute brutalement, avec des valeurs minimales jusqu’à 2 et des variations annuelles très fortes. Une stratification haline se met en place de manière quasi permanente, isolant les eaux de fond, plus salées, du reste de la masse d’eau. La dessalure de l’étang de Berre entraîne une diminution de la salinité de l’étang de Bolmon où les valeurs maximales ne dépassent plus 10. Dans la plus grande partie du canal du Rove, les variations temporelles de salinité sont très importantes (de 2.5 à 19). Dans l’étang de Berre, la totalité des espèces inféodées au milieu marin disparaissent, seules persistent les espèces euryhalines nitrophiles. Le contexte d’eutrophisation augmente, les herbiers de zostères régressent. La stratification haline induit des phénomènes d’anoxie de grande ampleur dans l’espace et dans le temps, l’ensemble des peuplements benthiques se dégrade, la biocénose SVMC laisse place à du LEE très dégradé, les fonds sont dépourvus de vie au-delà de 5 m de profondeur. Dans l’étang de Bolmon, le niveau de confinement augmente, les teneurs en nutriment sont élevées, l’eutrophisation est importante. Les herbiers de Ruppia disparaissent laissant place, à des espèces d’eau douce (Potamogeton pectinatus) qui se cantonnent aux bordures de l’étang. Le peuplement benthique LEE se dégrade. Dans le canal du Rove, avec une eutrophisation croissante, disparition également de la plupart des espèces présentes, le milieu est très dégradé. Les pollutions industrielles, urbaines et agricoles, participent à la dégradation de la qualité de l’eau. La chute de la salinité des étangs entraîne la disparition des salins, abandonnés en 1966.

2000

Premiers quotas EDF

Les premiers quotas limitant les apports d’eau douce par la centrale hydro-électrique de Saint-Chamas sont instaurés. Dans l’étang de Berre, les variations temporelles de salinité restent importantes (de 5 à 30), les valeurs moyennes sont inférieures à 10 en hiver. La stratification haline perdure et maintient des conditions d’oxygénation très défavorables dans la majeure partie des fonds de l’étang.  La qualité chimique de l’eau s’améliore cependant grâce aux normes de rejets imposées aux industriels de la chimie et de la pétrochimie à partir des années 70 et en 1994, la pêche est à nouveau autorisée dans l’étang de Berre. Les milieux restent cependant très dégradés. L’étang de Bolmon se présente comme un milieu presque doux, très confiné, lieu d’une hypertrophisation marquée, et qui s’apparente plus, dans son fonctionnement, à un bassin de lagunage qu’à une lagune méditerranéenne. Les ceintures littorales de P. pectinatus disparaissent, les fonds meubles sont quasiment dépourvus de vie et la masse d’eau est le siège d’une prolifération de cyanobactéries. L’eutrophisation est également très importante dans le canal du Rove. Les peuplements benthiques de l’étang de Berre se maintiennent dans un état dégradé, les herbiers de Zostera poursuivent leur régression et sont considérés comme fonctionnellement éteints (avec une surface inférieure à 0.5 ha). Dans l’étang de Bolmon, les ceintures littorales de P. pectinatus disparaissent, les fonds meubles sont quasiment dépourvus de vie. La masse d’eau est le siège d’une prolifération de cyanobactéries, dont certaines sont toxiques. Le milieu reste également très dégradé dans le canal du Rove.

2006

Nouveaux quotas EDF

Une nouvelle série de quotas est mise en place pour limiter les apports d’eau douce et de limons par la centrale hydro-électrique de Saint-Chamas. La salinité de l’étang de Berre est maintenue entre 15 et 25 tout au long de l’année. Le Bolmon qui reste isolé se maintient à des salinités faibles, comprises entre 2.5 et 23 selon les stations et leur proximité avec l’embouchure de la Cadière ou le lido du Jaï. Le canal du Rove affiche une salinité moyenne généralement inférieure à celle de l’étang de Berre (comprise entre 13 et 21), avec une variabilité interannuelle très forte. L’étang de Berre reste un milieu globalement eutrophe avec néanmoins une diminution des teneurs en sels nutritifs liée à la réduction des apports. Pour autant, les peuplements benthiques montrent peu d’évolution et sont très dégradés. L’étang de Bolmon reste à un stade trophique avancé, les herbiers de P. pectinatus sont ponctuellement présents dans les secteurs les moins confinés de l’étang. Les peuplements du canal du Rove ne montrent pas d’évolution non plus.

2017

Une progression mais loin des objectifs DCE

Les herbiers de zostères ont régressé jusqu’à quasiment disparaître (1,2 hectares en 2009). Depuis 2014, on observe néanmoins un développement de l’espèce sur la bordure côtière dans l’étang de Vaïne et le long de la côte nord de l’étang de Berre (17,9 hectares en 2017).

Cette progression est certes relativement importante mais les surfaces couvertes restent faibles par rapport aux objectifs de la DCE (1 500 ha).

2017

Trop peu d'espèces !

Le peuplement global de la macrofaune benthique reste caractérisé par une richesse spécifique et des densités faibles au regard des niveaux relevés dans d’autres lagunes littorales comparables comme l’étang de Thau.

Article modifié le 21/04/2022