Interview de Didier Khelfa Président du GIPREB
“Je me régale”
Le moins que l’on puisse dire, c’est que sa discrétion tranche avec ses responsabilités. La voix douce, l’accent discret, le regard bienveillant. Pas le genre à se mettre en avant. D’ailleurs, le faire parler de lui n’est pas chose facile. Rapidement la conversation repart vers son village, vers l’étang et vers les projets qu’il souhaite voir avancer.
« Un Saint-Chamasséen – presque – comme les autres. »
Et quand on parle projets avec Didier Khelfa, c’est aussi bien à propos de la réhabilitation de l’étang de Berre, de la limitation des rejets de la centrale EDF que du chantier de la plage des Cabassons à Saint-Chamas, où il y aura « là une promenade végétalisée, et là des jeux d’eau pour les enfants ». « On sera prêt pour l’été ! » ajoute-t-il, réjoui. On pourrait se demander si l’on discute avec le président du GIPREB, celui du SMED[1], ou bien le vice-président de la Métropole, ou encore le maire de Saint-Chamas… En fait peut-être simplement avec Didier, un Saint-Chamasséen – presque – comme les autres. Un gamin qui a grandi les pieds dans l’eau. « Celle de l’étang », précise-t-il. « Car gamins, on n’avait pas la mer. On avait la bicyclette, la canne à pêche… on sortait de l’école, on jetait le cartable et on allait se baigner ! On était tout le temps dans l’eau dans l’étang. »
Ses études l’emmènent à Aix-en-Provence. DESS droit économie gestion des collectivités locales, obtenu en 1997. Mais son coeur reste à Saint-Chamas. « Attention, je dormais à Aix, je n’y vivais pas ! » prévient-il. Car tous les soirs, il revient jouer au basket dans son village. Le basket, une passion familiale, il y rencontre même celle qui deviendra sa femme. « Elle jouait au club de Salon-de-Provence ». Ses deux fils dribblent également, et aujourd’hui encore, Didier ne rate pas une occasion d’aller marquer quelques paniers… quand son emploi du temps lui accorde quelques heures de liberté.
Sa vocation s’impose rapidement. À quatorze ans, il est déjà vice-président de son club de basket. En 1995, alors qu’il est encore étudiant, il rejoint le Conseil municipal de Saint-Chamas. Six ans plus tard, le voilà adjoint au maire, puis directeur général des services de 2004 à 2014, date à laquelle il est élu maire de Saint-Chamas. « J’ai passé plus de la moitié de ma vie au service de mon village » semble réaliser Didier en énumérant ces dates. Son « village », qui est en fait une vraie petite ville de 8 593 habitants2.
« Le GIPREB doit agrandir la table, et être plus représentatif de la population riveraine de l’étang. »
Réélu maire en 2020, il devient en outre le président du GIPREB en juillet de la même année. Élu, toujours. Le gamin de l’étang se retrouve aux manettes de sa réhabilitation écologique. Quoi de plus naturel ? « Le GIPREB a vingt ans, mon prédécesseur et ses équipes ont fait un travail colossal. Mais les choses évoluent, maintenant je souhaite bousculer tout cela, il nous faut agrandir la table. » Son principal objectif pour le GIPREB : faire entrer de nouveaux partenaires dans la gouvernance. « Plus d’acteurs associatifs de l’écologie bien sûr, mais aussi du monde économique, du sport. Nous devons nous rendre plus représentatifs de la population riveraine de l’étang. » Mais ça ne suffit pas. Pour passer réellement à la vitesse supérieure et atteindre des objectifs plus ambitieux, il sait qu’il faut au syndicat mixte un fer de lance, avec une puissance financière capable de faire enfin du GIPREB le maître d’ouvrage de grands projets. « Ce fer de lance doit être la métropole Aix-Marseille. Il faut qu’elle intègre à son tour le GIPREB. » Le discours d’un rassembleur, celui d’un basketteur qui ne peut jouer qu’en équipe.
« Son téléphone sonne toutes les cinq minutes, il y répond chaque fois. »
Didier Khelfa sort de la mairie et s’accorde une promenade dans les ruelles de Saint-Chamas. Sur son passage, les sourires apparaissent sur les visages. Le maire prend le temps de saluer chaque concitoyen et concitoyenne par son prénom. Les voeux de bonne année fusent, pour la personne croisée, comme pour ses proches qu’il évoque également par les prénoms. On comprend mieux pourquoi Saint-Chamas est un village et non une ville. Chaque coin de rue évoque un souvenir, ou un projet. « Notre clocher était dans un tel état qu’il allait tomber. On l’a tout refait, ça a été un gros chantier. Et maintenant regarde, il est magnifique. » On s’engage dans le quartier des Pénitents. « J’ai grandi dans cette rue. On y jouait au foot en permanence. » Il désigne en souriant un recoin envahi de plantes vertes : « Là, c’était les cages… heureusement que les voisins étaient patients… ! » Son téléphone sonne toutes les cinq minutes. Il y répond chaque fois. La caserne des pompiers, une conférence de presse à préparer, encore des voeux. La balade continue dans les ruelles escarpées de la colline de safre. « Là, on a fait un jardin partagé sur cet ancien lavoir… Tous les riverains participent à l’entretenir, c’est joli n’est-ce pas ? »
« Chaque coin de rue évoque un souvenir, ou un projet. »
On entre dans le musée municipal de Saint-Chamas, niché au coeur du vieux village. L’établissement est fermé au public à cause des restrictions sanitaires. Didier entrebâille la porte et passe la tête à l’intérieur. « C’est Didier ! » s’annonce-t-il. « Entrez monsieur le maire ! » s’écrie une voix réjouie depuis une autre pièce. Evelyne, la dynamique conservatrice du musée surgit. La discussion s’anime autour des récentes découvertes d’Evelyne sur l’histoire de la ville et de l’étang. Puis part sur les soucis de santé d’un proche qui n’étaient pas encore arrivés jusqu’aux oreilles de Didier. Ils en viennent à parler de leur âge. « Je vais sur mes cinquante ans » annonce Didier. Stupeur. Evelyne le regarde avec des yeux ronds : « déjà ? C’est incroyable… Moi je ne vous vois pas grandir, vous êtes toujours le gosse du quartier qui jouait au foot sous mes fenêtres ! » Didier sourit. Il pourra y avoir autant d’habitants qu’on veut, Saint-Chamas restera son « village ». Mais Evelyne ne perd pas le nord et tourne rapidement la page émotion. « Alors Monsieur le Maire, quand est ce qu’on se fait vacciner ? ».
Texte & photos : Thibaut VERGOZ
[1] Syndicat Mixte d’Energie du Département des Bouches du Rhône
2 Population municipale 2018, INSEE