Début 2023, sur proposition de Jean-Yves LOURGOUILLOUX, le Procureur de la République adjoint, en charge des questions environnementales au tribunal judiciaire de Marseille, EDF et le GIPREB ont accepté le principe d’une médiation pénale dans l’affaire qui les opposait depuis 2018 suite à la grave crise écologique qui avait touché l’étang de Berre. Quelques mois auront suffi pour s’accorder sur un protocole fixant de nouvelles règles en matière de rejets d’eau douce dans la deuxième plus grande lagune marine d’Europe. Au cœur de ce nouveau mode opératoire concerté entre les différentes parties prenantes, l’introduction d’une saisonnalité interdisant tout rejet pendant les mois de juillet et d’août quand l’étang est le plus fragile et favorisant la production d’énergie renouvelable sur la période hivernale lorsque le réseau électrique en a le plus besoin. L’accord aboutit à une « expérimentation » dont les pleins effets seront évalués dans 4 ans et décideront de la poursuite ou de l’adaptation de celle-ci.
Le protocole d’accord a été signé officiellement au tribunal judiciaire de Marseille le 16 septembre 2024 et est désormais en vigueur.
Les Principes de l’accord
Objectif pour l’étang de Berre
Reproduire les effets constatés des années de sécheresse 2022 et 2023, ayant eu pour conséquences positives l’augmentation de la salinité et la baisse conjointe de la stratification pendant la période estivale. C’est cette dynamique que le Gipreb souhaite reproduire avec l’application des nouvelles modalités de rejets actées par le nouveau protocole.
Le principe étant que les rejets soient interrompus le plus tôt possible dans la saison, afin que les nutriments soient évacués ou consommés et que la stratification établie pendant l’hiver soit également réduite au maximum avant le mois de juin afin de favoriser l’oxygénation des fonds lors des épisodes de brassage par le vent.
Objectif pour la production hydroélectrique
La chaîne hydroélectrique Durance Verdon représente 30 à 40% de la production d’énergie régionale. Elle a pour particularité de produire lors des pics de consommation pour répondre aux besoins des clients. En démarrant à pleine puissance, elle peut injecter 2000MW sur le réseau électrique en 10 min soit l’équivalent de 2 réacteurs nucléaires. La vocation des équipements est ainsi de prévenir les risques de coupure du réseau lors des pics de consommation.
Afin de garantir la sécurité de l’approvisionnement en électricité du réseau, la chaine hydroélectrique Durance Verdon a donc besoin de préserver tout son potentiel de production et sa flexibilité. Depuis 2006, les mesures prises en faveur de la réhabilitation de l’Etang de Berre ont conduit à une perte de 6 millions de kWh d’énergie renouvelable par an. L’objectif pour EDF est donc d’adapter ces dispositions pour retrouver des marges de manoeuvre l’hiver quand le réseau en a besoin tout en répondant aux attentes du territoire sur les enjeux écologiques en période estivale.
Dispositions de l’accord
En bref : des modalités de rejets en phase avec l’objectif d’amélioration de l’état écologique de l’étang et avec la production d’électricité décarbonée.
L’année hydraulique débute au 1er novembre pour se conclure au 31 octobre. Les enjeux « écologiques » pour l’étang se concentrent du 1er avril au 15 septembre.
Il est acté que la gestion d’EDF est contrainte et les turbinés fortement réduits du 1er avril au 15 septembre selon des dispositions précises permettant deux périodes de transition : les 15 premiers jours d’avril et les 15 premiers jours de septembre, où les turbinés sont limités à 40 millions de m3 par période (soit 1/3 des anciens quotas hebdomadaires).
Du 15 avril au 1er juin, les turbinés sont possibles uniquement si la salinité moyenne de l’étang est supérieure à 25g/l et dans la mesure où les turbinés ne conduisent pas la salinité à une valeur inférieure à 25 g/l.
A partir du 1er juin et jusqu’au 31 août, les turbinés sont totalement interrompues.
A compter du 15 septembre, les turbinés peuvent reprendre dans les conditions suivantes :
-Respect des valeurs de salinité supérieures à 20g/l pour 70 % des mesures.
-Respect des valeurs de salinité supérieures à 15g/l pour 95 % des mesures.
Protocole expérimental et suivi
Le dispositif mis en place est expérimental et fixé à une durée de 4 ans. A l’issue de cette expérimentation un avis collégial d’expertise scientifique indépendante sera émis et les membres du Comité stratégique seront sollicités sur les suites à donner à l’expérimentation.
Un suivi spécifique vient compléter les dispositifs préexistants de suivi physique et écologique de la masse d’eau. Il vise à évaluer les capacités des dispositions de l’accord à participer à l’atteinte du bon état des eaux au titre de la DCE (Directive Cadre sur l’Eau). Pour cela les paramètres ciblés sont ceux ayant un rôle direct sur le développement des herbiers de phanérogames et sur le développement des populations benthiques.
La transparence de l’eau fera l’objet d’une analyse haute fréquence spatialisée avec pour objectif une transparence de l’eau supérieure à 3 mètres. L’oxygénation des fonds entre o et 5 mètres de profondeur devra permettre le développement des espèces benthique par l’absence de conditions anoxiques.
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