Le référé-constat au TA ouvre la voie vers une action en justice
En juin 2019, le GIPREB représenté par Maître Corinne Lepage a demandé au Tribunal administratif de Marseille un référé-constat sur l’état écologique de l’étang de Berre. Les mesures demandées par le GIPREB « présentent un caractère utile » a souligné la juge des référés qui a ordonné le 10 juillet une mission d’expertise afin de constater la pollution de l’étang de Berre et notamment son eutrophisation et son anoxie, d’analyser les rejets de la centrale EDF et de constater les effets sur la biodiversité (macrofaune benthique, herbiers de zostères, poissons..). Sur les bases du rapport de l'expertise, les membres du Gipreb ont décidé d'agir en justice et le Gipreb a assigné EDF en citation directe auprès du tribunal correctionnel de Marseille.
Le 26 juillet 2019, l’expert mandaté par le tribunal administratif a organisé une première réunion avec l’ensemble des parties et leurs avocats : EDF, l’Etat représenté par la DREAL et la DDTM, et le GIPREB. Lors de cette réunion, les missions de l’expert ont été rappelées :
• 1°) constater durant la période estivale, et si nécessaire, au-delà, la pollution de l’étang de Berre, son eutrophisation, son anoxie en résultant ;
• 2°) constater l’évolution des rejets en quantité et en qualité émanant de Salon et de Saint-Chamas tout au long de la période de référence ;
• 3°) constater, le cas échéant, la mort des poissons ;
• 4°) constater, l’évolution des apports en limons ;
• 5°) constater l’évolution de la macrofaune benthique ;
• 6°) constater la qualité des eaux de l’étang, leur couleur et leur turbidité et les conséquences sur les herbiers
Les méthodes pour effectuer ces constats ont été définies et approuvées par l’ensemble des parties.
L’impact de la crise écologique plus important que prévu : de 17,9 hectares de zostères, il n’en reste plus que 7,2 hectares !
C’est ainsi que de l’été au mois de décembre 2019, des plongées et expertises conduites par l’expert mandaté par la justice et accompagné par les trois parties prenantes de l’affaire (GIPREB, Etat et EDF) ont été réalisées sur les principaux herbiers de zostères, le benthos, la qualité de l’eau, la qualité des rejets EDF et toutes les données météo disponibles.
Pour rappel :
Les 6000 hectares de zostères (plantes aquatiques) observés en 1960 avant l’ouverture de la centrale EDF s’étaient réduits en peau de chagrin en 2009, puisqu’on n’en comptabilisait plus que 1,5 ha. Depuis 2014, on assistait à une dynamique de progression de ces herbiers dans l’étang de Berre, en lien avec la diminution de l’eutrophisation observée depuis la réduction des rejets de la centrale EDF imposés par l’Europe en 2006. Ainsi en 2017, une cartographie globale de l’étang de Berre avait permis d’estimer la surface des herbiers à 17, 9 ha.
Après la crise écologique de 2018 et l’anoxie générale de l’étang, les incertitudes sur l’état des herbiers étaient grandes. La cartographie réalisée en 2019, sur la base des images satelites et des vérités terrains, conduit à un résultat plus catastrophique qu’imaginé : il ne reste plus que 7,2 ha d’herbier.
Des conclusions sans détour,
Réduction drastique des surfaces d’herbiers, présence d’anoxies dans les stations profondes, extrême pauvreté des zones profondes, le rôle des rejets annuels et des rejets exceptionnels d’eau douce dans l’étang de Berre est clairement identifié.
L’ouverture d’un contentieux devant les tribunaux nationaux et européen,
Sur les bases du rapport de l’expertise, les membres du Gipreb ont décidé d’agir en justice et le Gipreb a assigné EDF en citation directe auprès du tribunal correctionnel de Marseille.
La première audience a eu lieu lundi 8 mars 2021. Il s’agissait d’une démarche formelle pour acter de la capacité des parties à comparaître.
Le Président du tribunal, conscient de la complexité du dossier et des enjeux de la procédure, a souhaité consacrer une journée entière d’audience pour les plaidoiries.
Les plaidoiries dans l’affaire GIPREB contre EDF ont eu lieu le 2 mai 2022.
Que demande le GIPREB ?
Le GIPREB demande, par cette citation directe, qu’EDF en charge de la gestion de la chaîne hydroélectrique Durance-Verdon soit reconnue coupable des rejets d’eau et de limon ayant conduit au cours de l’été 2018 à une crise écologique sans précédent et dont les effets sont encore présents sur l’écosystème de l’étang de Berre.
Il demande, en premier lieu, la réparation par une remise en état de l’écosystème. Pour cela il demande que les volumes de rejets soient limités à ceux pratiqués en 2019 (573,71 millions de m3), le temps de trouver une solution pérenne.
En second lieu, il demande la réparation du préjudice économique lié à la dégradation des herbiers de zostères et à la destruction d’espèces marines comme les grandes nacres et les palourdes.
“Territorialement incompétent”
Le tribunal correctionnel de Marseille s’est déclaré territorialement incompétent le 4 juillet 2022 pour juger l’affaire qui oppose le GIPREB à EDF au sujet des rejets de la centrale EDF de Saint-Chamas. C’était une demande d’EDF en préalable de l’audience du 2 mai 2022. EDF considérait que la centrale EDF étant située sur le territoire de Saint-Chamas, le tribunal d’Aix-en-Provence était le seul compétent pour juger de l’affaire. La cour, ce jour là, sans juger du bien fondé de cette demande avait néanmoins souhaité entendre les parties pour pouvoir juger éventuellement sur le fond.
Le tribunal a finalement donné raison à EDF en précisant que certes le parquet de Marseille dispose d’un pôle spécialisé en matière d’atteintes à l’environnement, qui aurait pu traiter l’affaire mais a rappelé que seul le procureur pouvait saisir une juridiction spécialisée. Ainsi le GIPREB, en tant que syndicat mixte partie civile ne pouvait pas saisir le tribunal de Marseille.
L’affaire n’a donc pas été jugée sur le fond…
Affaire à suivre … à Aix-en Provence…
– > Mise à jour Septembre 2024
Un protocole d’accord entre EDF et le Gipreb a été signé en septembre 2024, aboutissant à une période d’expérimentation de 4 ans.