L'oxygène dans l'étang de Berre
Comprendre les problématiques de l'oxygène dans une lagune méditerranéenne
Sans oxygène, pas de vie ! Cette molécule est indispensable à la vie aquatique, celle par laquelle les animaux vivants respirent… C’est ce qui explique l’absence d’espèces vivantes dans une grande partie des fonds de la lagune de l'étang de Berre. Seule la bordure côtière abrite la vie… Car certaines situations vont entrainer la diminution des concentrations en oxygène dissous dans l'eau et impacter les organismes aquatiques qui y vivent.
Grave crise anoxique été 2018
L’année 2018 a été marquée par un printemps très pluvieux et des apports d’eaux très importants par EDF. Le bloom phytoplanctonique qui en a résulté, associé à de très fortes chaleurs et une absence de mistral pendant l’été, a ainsi entraîné une des plus graves crises anoxiques dans l’étang. Des anoxies sévères et longues ont ainsi été mesurées, jusqu’à des profondeurs de 2-3 mètres.
Les conséquences sur l’écosystème sont très importantes : fortes mortalités de poissons, de la macrofaune benthique (dont les palourdes) et des herbiers de zostères très dégradés.
Lire l’article rédigé par le GIPREB sur les constats et les explications sur ce phénomène
Que veut dire normoxie, hypoxie et anoxie ?
Pour faire simple, on retiendra que si on trouve en situation normale (normoxie) des concentrations d’oxygène dissous de l’ordre de 8 à 10 mg/l, on peut descendre à 2 mg/l, seuil à partir duquel l’ensemble des organismes aquatiques sont affectés (hypoxie). Ça veut dire que le manque d’oxygène va constituer un stress pour les organismes et notamment, par exemple, pour tous les poissons, qui vont s’enfuir vers la Méditerranée. Par contre, les autres organismes qui sont moins mobiles (crabes, moules, …) vont subir ce stress et vont modifier leur comportement, leur cycle reproductif, leur cycle de croissance. Cela va impacter leur développement. Ce stress peut aller jusqu’à leur mort dans les situations où l’oxygène disparaît complètement. On parle alors d’anoxie et l’ensemble des organismes qui ne peuvent pas fuir, meurent.
479 sites hypoxiques dans le monde dont l’étang de Berre
Ces phénomènes de crises anoxiques tendent à créer des zones mortes de reproduction … avec l’ensemble des conséquences que l’on peut imaginer, des problèmes socio économiques, avec la quasi disparition de la pêche par exemple. Ces problèmes d’hypoxie se retrouvent sur l’ensemble de la planète. En 2013, 479 systèmes hypoxiques ont été recensés: l’étang de Berre est un point parmi ces 479 sites recensés (voir la carte de tous ces sites)
2020: un nouveau projet de recherche scientifique
La problématique de l’oxygène dans l’étang de Berre est très suivie et a été étudiée ces dernières années par le programme PREDHYPO, auquel le GIPREB a apporté son soutien. Une nouvelle thèse de doctorat, commencée par Julie Regis, est dans la continuité de PREDHYPO et vise à déterminer les impacts des hypoxies sur le devenir des polluants des sédiments dans les lagunes Méditerranéennes, dont l’étang de Berre.
Pourquoi les concentrations en oxygène dissous peuvent diminuer ?
En situation normale, ce qui contrôle la concentration de l’oxygène dans l’eau, ce sont d’abord les échanges avec l’atmosphère : l’oxygène va se dissoudre dans l’eau. Il y a également une production d’oxygène par les végétaux qui vivent dans l’eau, par photosynthèse. Cet oxygène diffuse jusqu’au fond où il va être consommé par les organismes présents (coquillages, crabes) mais aussi par des bactéries qui vont dégrader la matière (plancton mort).
Dans l’étang de Berre, les apports en nutriments (Azote, phosphore) sont importants et agissent comme des engrais pour le phytoplancton présent. Celui-ci va se développer de manière excessive provoquant ce que l’on nomme un « bloom ». Ce phytoplancton a un cycle de vie très court et sa dégradation au fond de l’étang va induire une sur-consommation d’oxygène. Tant que l’oxygène peut diffuser depuis la surface, cette surconsommation va se limiter à provoquer une hypoxie dans les zones profondes. Cependant, les rejets de la centrale EDF de Saint-Chamas apportent de grandes quantités d’eau douce. Il se forme alors une halocline, c’est à dire une stratification entre une couche d’eau de surface plus douce, et une couche de fond plus salée. Ces deux couches ne se mélangent pas, et cette halocline forme alors une barrière empêchant la diffusion de l’oxygène depuis la surface. Les organismes vivant au fond et les bactéries ne sont plus alimentés par les échanges avec la surface, ce qui va entraîner alors une anoxie, c’est-à-dire l’absence d’oxygène au fond avec toutes les conséquences que cela représente, mortalité des organismes, production d’hydrogène sulfuré, accumulation de matières organiques. Dans une lagune comme celle de l’étang de Berre, c’est principalement les vents forts qui permettront un brassage suffisant des masses d’eaux pour permettre une ré-oxygénation des eaux profondes.
Le retour à un état normoxique (présence d’oxygène au fond) va se faire lors d’un mélange complet de la colonne d’eau,c’est à dire par la force d’un mistral suffisamment long et fort.
Il existe au Gipreb une base de données sur des mesures de salinité, de température, d’oxygène, …, réalisées depuis 1994 tous les mois sur 10 sites (plus d’informations sur la page de l’Observatoire). Si on regarde les données obtenues sur les écosystèmes benthiques, c’est-à-dire la composition en terme de diversité des organismes vivants au fond, sur les sédiments, on observe que l’étang peut être coupé en trois zones :
– une zone située sur la bordure côtière, moins profonde, qui présente une macrofaune benthique fonctionnelle, plus diversifiée, plus dense, soit 32 % de la surface de l’étang
– une partie un peu plus profonde entre 4 et 6 mètres où on a une macrofaune benthique présente mais fortement dégradée, moins dense, moins diversifiée, soit 26 % de la surface
– le centre de l’étang où l’eau est plus profonde au-delà de 6 m et où on n’a pas de micro-organismes, c’est une zone morte, soit 42 % de la surface.
Plus d’informations peuvent être trouvées sur la page Etat des lieux écologique.
Pourquoi malgré les efforts consentis ces dernières années (mises aux normes des stations d’épuration, diminution des rejets d’EDF), l’hypoxie se maintient-elle toujours dans l’étang de Berre ?
C’est à ces questions que les scientifiques s’appliquent à trouver des réponses grâce au programme de recherche PREDHYPO qui implique plus de 40 personnes appartenant à 8 laboratoires et instituts différents.
Eutrophisation, stratification, voilà les causes des perturbations de l’écosystème de la lagune méditerranéenne de l’étang de Berre. Nul doute qu’en identifiant les facteurs responsables du manque d’oxygène dans l’étang, les scientifiques de PREDHYPO participeront à résoudre ces problèmes.