Les zostères dans l'étang de Berre
Suivi et état des lieux de ces herbiers emblématiques
" ingénieurs d’écosystème », les herbiers de zostères sont indispensables dans un écosystème lagunaire équilibré
Généralités sur les herbiers de zostères
Les zostères sont des plantes marines (phanérogames marines) qui jouent un rôle majeur dans les écosystèmes lagunaires. On dit que les zostères sont des « ingénieurs d’écosystème », c’est-à-dire que la présence d’un herbier de zostère crée un écosystème à forte valeur ajoutée. En effet, les bénéfices écologiques des herbiers de zostères sont multiples : leurs racines limitent la remise en suspension des sédiments et stockent la matière organique ; leur forte production photosynthétique permet la production d’oxygène dans l’eau ; leurs feuilles abritent une large biodiversité d’épiphytes (organismes vivants sur les feuilles) ; et surtout ces herbiers sont des lieux de reproduction, de nurseries et d’abri pour de nombreuses espèces aquatiques, de poissons notamment. Les herbiers constituent ainsi des « hot-spots » de biodiversité.
A l’échelle d’une lagune leur présence est donc primordiale pour un fonctionnement équilibré. Leur présence en quantité dans un milieu témoigne d’une bonne qualité écologique (faible niveau d’eutrophisation).
Dans l’étang de Berre, on trouve deux espèces de zostères : la zostère naine (Zostera noltei) et la zostère marine (Zostera marina). La zostère naine possède des feuilles fines (1.5 mm de largeur), jusqu’à 80 cm de haut et peut supporter des dessalures plus importantes. La zostère marine supporte moins les eaux douces, possèdent des feuilles plus larges et plus hautes. Les deux espèces se reproduisent de manière sexuée (production de fleurs et graines) mais la principale voie de développement est la reproduction asexuée par bouturage.
La zostère une plante et non une algue !
Contrairement aux idées reçues, la zostère est bien une plante et non une algue. A l’image de toutes les plantes terrestres ou marines, la zostère possède des racines et fait même des fleurs. Si vous observez bien l’image ci contre, vous y distinguerez même les petites graines à l’intérieur.
Suivi des herbiers de zostères
Deux types de suivi sont conduits par le GIPREB : un suivi par transect et un suivi cartographique.
Le suivi par transect est effectué tous les ans sur 31 transects répartis autour de l’étang. Il consiste à analyser tout le compartiment “macrophyte”, dont les zostères. Il est réalisé dans le cadre de l’Observatoire du Milieu depuis 1994. Les résultats sont décrits chaque année dans les rapports de l’Observatoire, disponibles dans la section “Téléchargements”.
En juin 2018, ce suivi a montré que Zostera Noltei s’observe à présent sur 15 transects contre 13 en 2017, 9 en 2016, et 6 en 2015.
Le suivi cartographique permet d’obtenir une vision à plus grande échelle des surfaces d’herbiers, à l’échelle de l’étang. Il est complémentaire du suivi par transect et nécessite une très bonne connaissance à priori sur ces herbiers dans l’étang de Berre.
Cartographie des herbiers : méthodes
Plusieurs méthodes et outils peuvent être utilisés par la cartographie des herbiers. Au GIPREB, en 2017, nous avons appliqué celles-ci:
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Contourage manuel à partir de différentes sources de données : orthophotographies satellites et aéroportées.
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Cartographie automatisée des herbiers par imagerie hyperspectrale (projet HYPERBERRE, voir page dédiée)
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Utilisation de vérités-terrains en plongée avec utilisation d’un GPS haute précision (80 cm). Ces données récoltées in situ permettent de valider les différentes cartographiques précédentes.
Le contourage manuel est effectué sur un logiciel de cartographie (QGIS). Un exemple de contourage validé est décrit sur les figures suivantes.
Cartographie des herbiers : résultats et remarques
Des résultats de la cartographie par contourage manuel sur orthophotographies sont présentés sur la figure ci-dessous pour les principaux herbiers.
Cette cartographie a permis de mettre en évidence une progression des herbiers de zostères dans l’étang de Berre. Ils colonisent en 2017 17,9 ha contre 4.4 ha en 2014. Cette progression s’est faite majoritairement à partir des herbiers existants (Pointe de Berre, Arc, bassin de délimonage et étang de Vaïne) par coalescence des tâches existantes, colonisation latérale mais aussi développement en profondeur. Les herbiers descendent jusqu’à 2 m de profondeur et certaines petites taches peuvent être observées plus en profondeur. Un nouvel herbier s’est formé, à partir de coalescence de petites taches, sur la bordure littorale est (Bouquet) ; de nombreuses nouvelles taches ont également fait leur apparition sur cette même bordure littorale et dans une moindre mesure sur la côte ouest (Ranquet, Figuerolles). Il sera intéressant de suivre le devenir de ces taches pour voir si elles pourront constituer des herbiers dans le futur. Des taches de zostères ne jouent pas un rôle écologique majeur à la différence des herbiers
Les peuplements sont constitués de zostère naine. Ponctuellement, des taches (quelques m²) de Zostera marina ont également été observées au cours des différentes prospections de terrain. Cette espèce qui était considérée comme disparue de l’étang de Berre semblerait avoir bénéficié de l’expérience de transplantation réalisée par le GIPREB en 2010. Ce qui n’a pas été le cas pour la zostère naine.
La progression des herbiers de zostères est certes relativement importante mais les surfaces couvertes en 2017 restent faibles par rapport aux objectifs du GIPREB (Figure ci-dessous) à savoir un herbier continu de 0 à 3 m de fond à l’exception de la partie sud (Jaï) soit un recouvrement de 1 980 ha. La surface en 2017 (17,9 ha) ne représente que 0,9 % de cet objectif. L’écart entre les surfaces actuelles et les objectifs de la DCE (50 % des surfaces potentiellement colonisables par des espèces de référence, environ 1500 ha) reste également considérable pour l’atteinte du bon état écologique.
En 2018, une seule acquisition d’une image PLEIADES (IGN/CNES) a pu être faite en juin. En raison de conditions climatiques difficiles, il n’a pas été possible d’avoir une image parfaite pour contourer les herbiers. L’image acquise comporte ainsi des nuages sur de nombreuses zones de l’étang. Les traitements effectués sur cette image ont cependant permis de montrer que la dynamique de recolonisation des herbiers semble se poursuivre à cette date là (avec entre autre l’apparition de nombreuses nouvelles taches sur la cote est et ouest). Après la grave crise écologique subie par l’étang en été/automne 2018, le suivi de 2019 sera particulièrement important !
La meilleure transparence de l’eau observée en 2017 ont permis aux herbiers de zostères de réaliser des réserves énergétiques importantes dans leurs rhizomes. Ces réserves ont dû leur permettre un bon début de croissance au printemps 2018 et de pouvoir peut être mieux résister aux très mauvaises conditions de l’été/automne 2018. En complément, l’augmentation de la surface des herbiers de zostères devrait favoriser de futures colonisations en raison de l’augmentation des boutures disponibles et en constituant une plus grande source de graines si une reproduction sexuée importante a eu lieu en 2018 (ce qui est une hypothèse forte lorsque les plantes subissent un stress important).