Le crabe bleu
Un nouvel habitant invasif confirmé
Le Gipreb a mis en place un programme de pêche pour suivre et tenter de réguler les populations de crabes bleus dans l’étang de Berre. Ces pêches, financées par un Fonds Vert, se font en collaboration avec des pêcheurs volontaires sur un total de 40 actions de pêche.
Il est immédiatement reconnaissable au joli bleu de ses pattes et de ses pinces, et si vous avez un doute en le voyant, son comportement vif et agressif vous laissera peu de temps pour le contempler !
Callinectes sapidus, c’est son nom de scène, il est sous les projecteurs depuis quelques semaines car il s’est vivement installé en Méditerranée et dans nos lagunes. Arrivé d’Amérique au début du XXème siècle, principalement par les eaux de ballast (utilisé par les grands navires pour équilibrer leur poids et demeurer stables durant leurs voyages, le ballast est un poids supplémentaire ajouté à un bateau lorsqu’il décharge sa cargaison. Sans lui, le navire sortirait de l’eau comme un bouchon et pourrait devenir instable), sa première observation sur les côtes françaises date des années 60… justement dans l’étang de Berre. Depuis il n’avait plus été observé. Une seconde vague de migration a débuté il y a quelques années, probablement à la faveur du changement climatique, et le crabe a rapidement colonisé les lagunes depuis la Tunisie, la côte italienne, la Corse et le Languedoc. L’étang de Berre, jusque-là épargné, a connu un pic en septembre 2023 puis une confirmation de l’explosion des populations cet été. Comme la plupart des espèces invasives, il n’a pas de prédateur dans les sites où il s’installe et possède de grandes capacités de reproduction, la femelle crabe pouvant pondre 2 à 3 millions d’œufs.
Le crabe bleu peut vivre en eau douce, en eau saumâtre (eau dont la teneur en sel est inférieure à celle de l’eau de mer, comme celle de l’étang de Berre), ou en mer, parcourir jusqu’à 15 km en alternant nage et marche. Il s’adapte et mange de tout : coquillages, poissons, algues, et même d’autres crabes bleus plus petits que lui. En position d’attaque, l’envergure de ses pinces peut atteindre jusqu’à 40 cm de largeur! C’est un prédateur opportuniste vorace, qui s’attaque aux poissons coincés dans les filets des pêcheurs, s’y retrouve à son tour emmaillé et les sectionne alors pour tenter de s’en échapper. Ces impacts sont considérables sur la pêche et le fonctionnement de l’écosystème.
Mais revenons sur son nom scientifique : Callinectes, Calli vient du grec [kallion] = qui signifie beau, joli et du grec nectes [nect-] = nager, donc signife “joli crabe nageur”. Pour le nom d’espèce, sapidus est un mot latin qui signifie qui a du goût, de la saveur. Vous l’aurez compris : ce crabe est très bon à manger, et peut devenir une ressource si sa pêche se développe et si l’activité est exploitée !
En octobre 2019, nous avions publié une information sur le crabe bleu, vous invitant à nous le signaler en cas d’observation. Si aujourd’hui il est au cœur de l’actualité, l’équipe scientifique du Gipreb, elle, mène son étude et des expérimentations depuis plusieurs mois…
Au printemps 2024, le Gipreb a mis en place un programme de pêche pour suivre et tenter de réguler les populations de crabes bleus dans l’étang de Berre. Ces pêches, financées par un “Fonds Vert“, se font en collaboration avec des pêcheurs volontaires qui sont rémunérés sur 40 actions de pêches au total. Dispositif créé en 2023 et porté par le Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, le Fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires, aussi appelé « Fonds vert », aide les collectivités à renforcer leur performance environnementale, adapter leur territoire au changement climatique et améliorer leur cadre de vie.
Les crabes issus des pêches sont remis au Gipreb pour être pesés, mesurés et sexés. Ces résultats sont comparés avec ceux d’autres lagunes méditerranéennes afin de comprendre le fonctionnement des populations au cours de l’année et des variations physico-chimiques du milieu.
En complément des pêches, et toujours grâce au Fonds Vert, 5 crabes vont être marqués d’une balise pour connaître leurs déplacements.